C’était en février 2009, trois amis, trois amoureux des grands espaces glacés, se lancent un défi fou : traverser le massif du Jura, en autonomie complète, au mois de février. Ils vont appeler cette aventure : le raid Lugicap.
Un défi pas si difficile, dira-t-on.
Mais, quand il y a, au sein de l’équipe, une personne tétraplégique, on se rend très vite compte qu’il s’agit d’une aventure hors normes.
En effet, parcourir 68 km au cœur de l’hiver, en pleine nature, sur un territoire nordique de moyenne montagne, sur 8 jours, en totale autonomie, sans aucune assistance, et avec une personne lourdement handicapée, il fallait le faire.
Mais si le défi était de taille, leur motivation leur encore plus grande !
Frank, l’un des membres de cette expédition et co-fondateur de la société Lugicap, nous raconte son incroyable aventure.
Un pari osé, ce raid Lugicap
Autour de nous, on nous dévisageait, non sans étonnement, mais aussi avec une pointe d’admiration. Parviendrons-nous à réussir ce pari ?
Devant les journalistes sur le plateau de France 3, Fred Martin tient un discours conquérant : « ça fait 15 ans que je prépare cette expédition indirectement. Après mon accident, j’ai commencé par réapprendre à parler… ».
Cet amoureux de la montagne, de la glisse, de la neige, a vu un temps sa passion s’envoler à la suite d’un accident. Devenu tétraplégique, il lui était peu évident d’imaginer parcourir à nouveau un jour les pistes enneigées de nos belles montagnes jurassiennes. Mais la passion était plus forte, tout simplement.
« On a choisi ce qu’il y a de plus dur pour une personne tétraplégique : le froid, la neige, l’itinérance, l’autonomie… nous lançons un défi à l’immobilité !»
La Lugicap, fruit de la passion
Le handicap n’a pas pu voler à Fred sa passion de la randonnée parmi les massifs enneigés.
Lors d’un séjour en station de ski, il a vu ses déplacements considérablement entravés par son fauteuil roulant. C’est alors qu’il a l’idée d’installer une luge qui servirait de support au fauteuil roulant. Ainsi, la personne handicapée pourrait glisser sur la neige.
Fred venait d’inventer la « Lugicap ». Avec son nouvel engin, il pouvait continuer à vivre sa passion.
Sur les pistes enneigées des montagnes qui prêtent volontiers leurs flancs aux férus de randonnées, il pouvait encore vivre de belles sensations.
Et même s’il n’est pas possible d’escalader des sommets ou de gravir de fortes pentes avec la Lugicap, elle est parfaite pour faire de belles balades avec un léger dénivelé dans les plaines ou les vallées. Les itinéraires balisés de raquette et les pistes de ski de fond s’y prêtent bien, en toute sécurité.
Des mois de préparation avant le raid Lugicap
De belles sensations justement, c’est de cela qu’il est question avec notre périple dans le Jura.
En plus de Fred, notre équipe était composée d’Arnaud, le frère de Fred, et de moi, Frank Emeyriat. Eh oui ! Nous formions une belle équipe, une dream team qui allait à la conquête d’une prouesse, une performance jusque-là jamais réalisée.
Nous avions pris des mois pour préparer au mieux cette expédition au sein de nos massifs enneigés. Tout était soigneusement organisé, vous vous en doutez. Pour passer les jours à marcher dans le froid, les nuits dans les bivouacs, par -20 °C, avec un tétraplégique dans les rangs, il ne fallait rien laisser au hasard.
Pour mener à bien un tel périple, le choix du matériel que nous devions emporter était déterminant. Naturellement, il faut préciser que nous pouvions nous appuyer sur nos longues années d’expériences cumulées, et sur les conseils et informations recueillies ici et là. Même si une telle aventure n’avait encore jamais été réalisée.
Nous avons néanmoins pu définir exactement tout ce qu’il nous fallait : vêtements, matériels, vivres, bref, juste ce qui était nécessaire pour un raid de 8 jours en complète autonomie.Nous avions une pulka de 310 litres, une sorte de traineau. Elle était pleine à craquer. Mais en plus, on y ajoutait par-dessus 2 autres sacs, des raquettes de secours, une pelle, un chariot de transport, une pelle, tout ou presque y était !
Raid Lugicap : enfin le départ !
La veille du départ, l’excitation était à son comble. Nous étions comme des lions en cage !
Nous prenons le départ le dimanche 15 février 2009, par une matinée ensoleillée, avec une température de -15o C, tout ce que nous avions souhaité. Il faisait beau, et c’était idéal pour commencer notre expédition, comme si la nature nous avait donné sa bénédiction.
Quand on nous demandait, « Qu’est-ce qu’on vous souhaite ? Du courage ? De la chance… ? », Je répondais « Du beau, du froid, sec, sans vent s’il vous plaît. Le reste, on gère ».
Après une dernière interview à une journaliste du Progrès venue pour l’occasion et un au revoir aux amis, nous avons pris le départ. Enfin !
Les choses sérieuses avaient commencé. Nous nous lancions comme dans le grand vide, et il faut le dire, non sans appréhension, mais avec une grande confiance.
Arnaud et Fred, les 2 frères, étaient et resteraient liés l’un à l’autre par une longe, du départ jusqu’à l’arrivée. Moi, je m’occupais de la pulka.
Un 1er jour de rodage difficile
Le 1er jour n’a pas été facile, on pouvait s’y attendre.
Après 4 heures et demie de marche, Arnaud se dit « dans le rouge », pris par la faim, la soif et le froid.
Selon les deux frangins, la Lugicap ne glissait pas bien.
On décide alors de poser le camp. Il fallait ensuite installer un bivouac. Nous devions passer notre première nuit sous une température de -20 oC.
Des journées bien chargées
Nos journées étaient bien remplies :
- Réveil le matin à 6 h ;
- Automassage ;
- Habillage ;
- Préparation de Fred ;
- Déjeuner ;
- Déneigement et dégagement de la tente ;
- Sortir Fred de la tente ;
- Tout ranger dans les sacs ;
- Charger la pulka…
Il arrivait parfois qu’on s’aperçoive que nous avions oublié un sac dans la neige, il fallait alors rouvrir le sac, ranger à nouveau avant de prendre le départ.
Il fallait compter environ 4 heures chaque jour pour ranger le bivouac.
Des qualités humaines plus importantes que les qualités physiques
Il nous a fallu de l’endurance, de l’abnégation, du courage et que sais-je encore, pour avaler la dizaine de kilomètres qui se dressaient devant nous chaque jour.
Notre force : la détermination de Fred malgré son handicap, la lucidité d’Arnaud face à l’invalidité de son frère et l’unité du groupe que nous formions.
Ce sont ces leviers importants qui nous ont permis d’aller au bout de cette aventure hors normes.
En faisant ce raid avec Fred, malgré son handicap, nous défions le raisonnable, l’imaginable.
Le raid Lugicap, une expédition inspirante qui a su attirer les médias
Notre raid hivernal avec une personne tétraplégique a suscité une grande attention médiatique et a attiré l’intérêt des touristes et des locaux.
Nous étions fiers d’être une source d’inspiration pour les skieurs, marcheurs et randonneurs, qui étaient curieux de découvrir notre aventure. Beaucoup ont même souhaité prendre des photos avec nous.
Nous avons été touchés par le soutien et l’admiration que nous avons reçus de la part des habitués de ces grands espaces glacés, qui ont pu mesurer la prouesse que nous réalisions.
Grâce à cette expérience unique, nous étions devenus de véritables stars !
Aujourd’hui, grâce à cet article, je suis heureux de pouvoir partager notre histoire avec le monde entier.
Mais le raid Lugicap n’a pas été un long fleuve tranquille
Évidemment, cette expédition a connu son lot de déboires.
Des instants de peur
Je me souviens de l’un d’eux en particulier.
Alors que nous passions un virage à gauche, en fort dévers, à l’entame d’une descente. La pulka manque de peu de se renverser. Tandis que je continue, j’entends la voix d’Arnaud, ne reflétant pas la sérénité habituelle. Alors, je m’arrête et jette un coup d’œil vers l’arrière. Je vois Fred étendu dans la neige, son fauteuil renversé !
Dans ma tête : Je me dis que c’est la fin de l’aventure, l’imaginant même déjà couché dans un lit d’hôpital.
Je me débarrasse de mes accessoires et cours vers les deux frères. Arnaud s’affaire sur la Lugicap. Au bout d’un moment, on réinstalle Fred dans le fauteuil. L’espoir renaît.
D’autant que Fred nous surprend à nouveau en disant : « Vous avez pris des photos les gars ? Parce que celle-ci, on la fera pas deux fois ». Je croyais tomber des nues. Fred s’en est bien sorti, et nous aussi d’ailleurs.
Des moments d’épuisement
Mais l’étape la plus dure fut celle de Pré Poncet.
Ça n’en finissait pas de monter… En milieu de journée, mes jambes pesaient une tonne chacune.
Arnaud et Fred n’affichaient plus le même sourire, et c’était assez rare pour être souligné. Arnaud se dit “dans le rouge depuis ce matin”.
C’était le moment de puiser dans nos réserves déjà bien entamées. Ce n’était en effet pas le moment de s’arrêter.
Il fallait tenir encore deux jours pour voir enfin la ligne d’arrivée.
Mais avant cela, il fallait surtout encore grimper 2 heures pour passer le col.
Alors, nous nous sommes accrochés. Puisant au fond de nous-même nos dernières ressources pour atteindre le toit de notre expédition.
La délivrance
Imaginez notre excitation le dernier jour de notre expédition.
Arnaud nous réveille une demi-heure plus tôt. « Faut pas rater l’arrivée !! »
Nous rangeons notre matériel, pour la dernière fois, sans oublier de profiter au maximum de la vue, de ces grands espaces que nous aimons tant, avant de prendre la route.
Enfin, nous arrivons, accueillis et applaudis par une foule d’admirateurs, d’amis, et de journalistes.
Nous l’avions réussi, ce pari fou ! Notre joie était intense et particulière, surtout vis-à-vis de Fred. Il avait gagné ! Il avait remporté ce combat inouï, contre son handicap, contre l’immobilité.
Du raid Lugicap à l’entreprise Lugicap
C’est de cette aventure humaine extraordinaire qu’est née l’entreprise Lugicap, quelques années plus tard.
Une entreprise créée par Fred Martin et moi-même, son ami Frank Emeyriat.
Pour que d’autres personnes handicapées puissent vivre des sensations de glisse
La volonté de Lugicap est de permettre à toutes les personnes à mobilité réduite d’accéder au loisir sportif de glisse, sur glace ou sur neige.
C’est pour cela que nous concevons des accessoires adaptés aux conditions et aux situations de chacun.
Quel que soit le terrain, vivez avec votre ou vos accompagnateurs des activités sur mesure. Une balade ou une rando entre amis sur la neige, un moment de patinage ou une aventure hors des sentiers battus ? Vous avez le choix.
Lugicap propose des solutions qui s’adaptent à vos désirs, à l’activité que vous souhaitez pratiquer (patinage, randonnée, balade), au terrain de jeu sur lequel vous souhaitez évoluer (glace, neige, sable) et à vos contraintes de mobilité. Comme Fred, vous pouvez profiter de belles sensations de glisse malgré un handicap lourd. Contactez-nous pour discuter de votre projet.